Construits autour de figures bricolées, appareillées, récupérées, les arts de la marionnette ont largement exploré les matériaux bruts tels que le bois, le papier, le métal, etc. Le bricolage, le recyclage ont également été l’occasion de faire émerger des figures ou à défaut des objets qui, une fois manipulés, détournés, construisaient une fiction narrative ou visuelle – un spectacle.
Depuis quelques années, des marionnettistes investissent des matériaux différents, moins malléables et qui se dérobent à la forme : les fluides. L’eau dans plusieurs de ses états est ainsi l’occasion de la construction de figures fragmentaires réalistes chez Elise Vigneron (Impermanence, 2013) ; chez Arnaud Louski-Pane, c’est l’hélium qui est propice à investir la matière et ses propriétés, à explorer des « rites gravitaires » (To fall is to understand the universe, avec Laurent Chanel, 2013).
Héritée en partie du théâtre de matières allemand, dans lequel la matière prend forme et se transforme au cours même du spectacle, cette voie du théâtre marionnettique, dont la dénomination peut faire débat[1], est souvent le fait d’artistes formés conjointement aux arts plastiques et aux arts de la marionnette[2] et soucieux d’interroger la matière et ses propriétés physiques. Les fluides les intéressent tout particulièrement à l’état liquide et gazeux, en cela qu’il s’agit de « structures désordonnées », c’est-à-dire d’ensembles dont les molécules sont libres de se déplacer au hasard. C’est évidemment au cœur de ce hasard qu’intervient la manipulation du marionnettiste : la matière a-t-elle nécessairement vocation à devenir objet ou corps ? La manipulation des fluides, matières informes aux molécules faiblement liées, n’est-elle pas au contraire l’occasion d’interroger à nouveaux frais la relation manipulateur-manipulé ?
A partir de la venue d’Elise Vigneron – qui explore les états de matière, à travers un travail sur la glace, la fumée et la vapeur – et de la résidence à l’Université Joseph Fourier d’Arnaud Louski-Pane[3], nous proposons d’interroger ces états de matière et les gestes qu’ils impliquent : quelles potentialités offrent les fluides et comment les marionnettistes s’en emparent-ils ? Vers quel(s) langage(s) scénique(s) emportent-ils la manipulation, ouvrent-ils à une nouvelle poétique du plateau ?
Nous ne limiterons pas les réflexions à ces deux artistes et à leur production et nous espérons au contraire voir émerger des propositions autour d’autres spectacles[4]. Les pistes privilégiées sont les suivantes :
- Trajets : dans son spectacle Impermanence, Elise Vigneron donne à voir l’eau sous plusieurs états : solide à l’état de glace, liquide, ou gazeux à travers un jeu sur la vapeur ; on pourra alors interroger le passage d’un état à l’autre, le savoir et les gestes qu’il suppose et s’interroger sur l’apport dramaturgique et/ou esthétique de ces différents états de la matière ;
- Rencontres : manipuler un fluide n’est pas manipuler un objet ou un corps autre, solide et achevé. Les mousses avec lesquelles jouent Arnaud Louski-Pane sont en mouvement constant et ne se laissent pas facilement appréhender ni enserrer dans une forme ; quelles interactions ces matières engagent-elles avec le corps du manipulateur ? Comme le bois ou le sable par exemple, sont-elles susceptibles de faire figure, d’être la matière première d’un corps en construction ou ne constituent-elles qu’un milieu dans lequel la figure marionnettique et son manipulateur sont susceptibles d’évoluer ? Comment manipule-t-on ce qui n’a pas de forme ?
- Dramaturgies : dans quelles dramaturgies ces « impalpables » s’inscrivent-ils ? Le recours aux fluides, s’il est parfois la conséquence d’une méfiance vis-à-vis de la représentation, construit-il toutefois des personnages sous la forme d’ébauches, voire de figures ? Les dramaturgies auxquelles il donne lieu reposent-elles sur le déroulement d’une action et la construction d’une narration, ou sont-elles structurées, de manière plus fragmentaire, par les espaces, les mouvements et les atmosphères créés par les changements d’état de la matière ?
Les propositions de communications (2500 signes maximum), accompagnées d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer AVANT LE 30 JUILLET à :
julie.valero@u-grenoble3.fr
aurelie.coulon@u-grenoble3.fr
Cette journée d’études est organisée par Aurélie Coulon et Julie Valero (CINESTHEA, EA 3748, Université Stendhal – Grenoble 3) et Sylvie Reghezza (Chargée Mission culture, Université Joseph Fourier).
Elle est soutenue par le Service Culturel de l’Université Stendhal – Grenoble 3, le service culturel Inter-U Grenoble Universités, THEMAA, l’Espace 600.
[1] L’appellation « théâtre de matières » fait suite à la publication de l’ouvrage de W. Knoedgen (Das unmögliche Theater, Zur Phänomenologie des Figurentheaters, Stuttgart : Urachhaus-Verlag, 1990) et ne va pas sans engager des difficultés définitionnelles : ce « théâtre de matières » fait-il encore partie intégrante d’un théâtre de marionnettes ou, par son langage souvent non figuratif et son absence de recours à la figure, appartient-il seulement à un théâtre « visuel », si tant est que cette appellation ait un sens ?
[2] Sur cette question de la double formation, voir l’article de Sidonie Han, « Plasticien / marionnettiste : rencontre et confrontation » (Théâtre/Public, La marionnette ? Traditions, croisements, décloisonnements, Dossier conçu et réalisé par J. Sermon, n°193, Gennevilliers, 2009-2).
[3] A. Louski-Pane travaille en partenariat avec Sylvie Reghezza, chargée culture à l’UJF, et Jean-François Boujut, enseignant-chercheur à Grenoble – INP Génie-industriel, autour de la conception et réalisation d’une soufflerie basée sur le principe des souffleries d’essais aérodynamiques afin de donner à voir l’écoulement du vent (Les Hautes herbes, projet en cours).
[4] Nous pensons notamment au cycle de spectacles I.C.E (Injonglabilité Complémentaire des Eléments), de Phia Menard (Compagnie Non Nova), initié en 2008, autour des « transformations d’état et d’érosion des matières EAU et AIR » (cf. http://www.cienonnova.com/.
Depuis quelques années, des marionnettistes investissent des matériaux différents, moins malléables et qui se dérobent à la forme : les fluides. L’eau dans plusieurs de ses états est ainsi l’occasion de la construction de figures fragmentaires réalistes chez Elise Vigneron (Impermanence, 2013) ; chez Arnaud Louski-Pane, c’est l’hélium qui est propice à investir la matière et ses propriétés, à explorer des « rites gravitaires » (To fall is to understand the universe, avec Laurent Chanel, 2013).
Héritée en partie du théâtre de matières allemand, dans lequel la matière prend forme et se transforme au cours même du spectacle, cette voie du théâtre marionnettique, dont la dénomination peut faire débat[1], est souvent le fait d’artistes formés conjointement aux arts plastiques et aux arts de la marionnette[2] et soucieux d’interroger la matière et ses propriétés physiques. Les fluides les intéressent tout particulièrement à l’état liquide et gazeux, en cela qu’il s’agit de « structures désordonnées », c’est-à-dire d’ensembles dont les molécules sont libres de se déplacer au hasard. C’est évidemment au cœur de ce hasard qu’intervient la manipulation du marionnettiste : la matière a-t-elle nécessairement vocation à devenir objet ou corps ? La manipulation des fluides, matières informes aux molécules faiblement liées, n’est-elle pas au contraire l’occasion d’interroger à nouveaux frais la relation manipulateur-manipulé ?
A partir de la venue d’Elise Vigneron – qui explore les états de matière, à travers un travail sur la glace, la fumée et la vapeur – et de la résidence à l’Université Joseph Fourier d’Arnaud Louski-Pane[3], nous proposons d’interroger ces états de matière et les gestes qu’ils impliquent : quelles potentialités offrent les fluides et comment les marionnettistes s’en emparent-ils ? Vers quel(s) langage(s) scénique(s) emportent-ils la manipulation, ouvrent-ils à une nouvelle poétique du plateau ?
Nous ne limiterons pas les réflexions à ces deux artistes et à leur production et nous espérons au contraire voir émerger des propositions autour d’autres spectacles[4]. Les pistes privilégiées sont les suivantes :
- Trajets : dans son spectacle Impermanence, Elise Vigneron donne à voir l’eau sous plusieurs états : solide à l’état de glace, liquide, ou gazeux à travers un jeu sur la vapeur ; on pourra alors interroger le passage d’un état à l’autre, le savoir et les gestes qu’il suppose et s’interroger sur l’apport dramaturgique et/ou esthétique de ces différents états de la matière ;
- Rencontres : manipuler un fluide n’est pas manipuler un objet ou un corps autre, solide et achevé. Les mousses avec lesquelles jouent Arnaud Louski-Pane sont en mouvement constant et ne se laissent pas facilement appréhender ni enserrer dans une forme ; quelles interactions ces matières engagent-elles avec le corps du manipulateur ? Comme le bois ou le sable par exemple, sont-elles susceptibles de faire figure, d’être la matière première d’un corps en construction ou ne constituent-elles qu’un milieu dans lequel la figure marionnettique et son manipulateur sont susceptibles d’évoluer ? Comment manipule-t-on ce qui n’a pas de forme ?
- Dramaturgies : dans quelles dramaturgies ces « impalpables » s’inscrivent-ils ? Le recours aux fluides, s’il est parfois la conséquence d’une méfiance vis-à-vis de la représentation, construit-il toutefois des personnages sous la forme d’ébauches, voire de figures ? Les dramaturgies auxquelles il donne lieu reposent-elles sur le déroulement d’une action et la construction d’une narration, ou sont-elles structurées, de manière plus fragmentaire, par les espaces, les mouvements et les atmosphères créés par les changements d’état de la matière ?
Les propositions de communications (2500 signes maximum), accompagnées d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer AVANT LE 30 JUILLET à :
julie.valero@u-grenoble3.fr
aurelie.coulon@u-grenoble3.fr
Cette journée d’études est organisée par Aurélie Coulon et Julie Valero (CINESTHEA, EA 3748, Université Stendhal – Grenoble 3) et Sylvie Reghezza (Chargée Mission culture, Université Joseph Fourier).
Elle est soutenue par le Service Culturel de l’Université Stendhal – Grenoble 3, le service culturel Inter-U Grenoble Universités, THEMAA, l’Espace 600.
[1] L’appellation « théâtre de matières » fait suite à la publication de l’ouvrage de W. Knoedgen (Das unmögliche Theater, Zur Phänomenologie des Figurentheaters, Stuttgart : Urachhaus-Verlag, 1990) et ne va pas sans engager des difficultés définitionnelles : ce « théâtre de matières » fait-il encore partie intégrante d’un théâtre de marionnettes ou, par son langage souvent non figuratif et son absence de recours à la figure, appartient-il seulement à un théâtre « visuel », si tant est que cette appellation ait un sens ?
[2] Sur cette question de la double formation, voir l’article de Sidonie Han, « Plasticien / marionnettiste : rencontre et confrontation » (Théâtre/Public, La marionnette ? Traditions, croisements, décloisonnements, Dossier conçu et réalisé par J. Sermon, n°193, Gennevilliers, 2009-2).
[3] A. Louski-Pane travaille en partenariat avec Sylvie Reghezza, chargée culture à l’UJF, et Jean-François Boujut, enseignant-chercheur à Grenoble – INP Génie-industriel, autour de la conception et réalisation d’une soufflerie basée sur le principe des souffleries d’essais aérodynamiques afin de donner à voir l’écoulement du vent (Les Hautes herbes, projet en cours).
[4] Nous pensons notamment au cycle de spectacles I.C.E (Injonglabilité Complémentaire des Eléments), de Phia Menard (Compagnie Non Nova), initié en 2008, autour des « transformations d’état et d’érosion des matières EAU et AIR » (cf. http://www.cienonnova.com/.