Ce stage s’est déroulé les 18 et 19 mars derniers à l’université de Nancy II et avait été organisé par Mme Anne Verdier, Maître de Conférences et spécialiste du théâtre du XVIIe siècle et de l’histoire du costume. Il s’adressait à des étudiants en arts du spectacle ou à des élèves du conservatoire de première année. Il se proposait de les initier au jeu de l’acteur à la Comédie-Française sous l’Ancien Régime, mais aussi d’aborder le problème de l’adaptation scénique d’une pièce tirée du répertoire à une époque où la figure du metteur en scène n’existe pas encore. Il avait les objectifs pédagogiques suivants : acquérir des connaissances par rapport au contexte historique, à l’histoire du jeu et de la mise en scène ; comprendre la relation entre le texte et sa représentation ; analyser les indications intra et extra textuelles d’une pièce de théâtre ; savoir lire un relevé de mise scène (découverte du code en vigueur à l’époque) et comparer les mises en scène sous l’Ancien Régime et les mises en scène contemporaines.
Pierre Ravenel
Dix-huit étudiants de tous âges ont participé au stage, dont des acteurs professionnels du Studiolo comme par exemple Didier Doumergue et Pierre Ravenel. La première journée a été consacrée à l’organisation et au fonctionnement de la Comédie-Française au XVIIIe siècle. Aborder des questions concrètes comme l’espace, les couleurs de la salle, la programmation, le rôle du souffleur ou des semainiers a passionné les étudiants qui ont été très réceptifs et qui ont posé beaucoup de questions. Ils ont manifesté un vif intérêt pour l’histoire d’un théâtre dont ils ne connaissaient le plus souvent que les auteurs et les textes les plus célèbres
Les étudiants ont examiné ensuite les codes de l’annotation présents sur des relevés de mise en scène (manuscrits de souffleur, imprimés annotés et éditions conformes à la représentation) et découvert que le texte, au XVIIIe siècle, n’est jamais « sacré », que cela soit pour une pièce tirée du répertoire ou une pièce nouvelle. La troupe coupe des répliques, altère le texte, modifie des jeux de scènes, voire supprime des scènes entières. Elle adapte la pièce aux modes et au goût du temps présent mais aussi à la durée du spectacle.
Les étudiants ont examiné ensuite les codes de l’annotation présents sur des relevés de mise en scène (manuscrits de souffleur, imprimés annotés et éditions conformes à la représentation) et découvert que le texte, au XVIIIe siècle, n’est jamais « sacré », que cela soit pour une pièce tirée du répertoire ou une pièce nouvelle. La troupe coupe des répliques, altère le texte, modifie des jeux de scènes, voire supprime des scènes entières. Elle adapte la pièce aux modes et au goût du temps présent mais aussi à la durée du spectacle.
Au cours de la seconde journée de stage les étudiants ont expérimenté les codes gestuels sous l’Ancien Régime. Ils ont découvert les planches réalisées par John Bulwer en 1644 (Chirologia, gestes quotidiens) ainsi que certains gestes tirés des ouvrages relatifs à l’actio (René Bary, Méthode pour bien prononcer un discours et le bien animer, 1679). L’objectif était de leur faire prendre conscience du jeu et de ses contraintes, notamment le cadre « estomac-tête » dans lequel il fallait enfermer les gestes. Il ne s’agissait pas de trouver tous les détails du jeu, mais plutôt de trouver une gestuelle appropriée, un sens aux gestes, à travers et à partir d’une passion – d’où des gestes symbolisant une émotion, un état, ou un caractère.
La maîtrise des gestes et de leur signification devait leur permettre de construire un personnage mais aussi d’improviser à partir de situations données, s’apparentant à celles qui transparaissent dans les pièces de l’époque : « Vous êtes roi/reine et vous apprenez que l’on complote contre vous. Vous êtes furieux/se » ; « Vous êtes prince/princesse et vous attendez avec anxiété le résultat de la bataille. Vous vous adressez aux dieux et les supplier de protéger votre frère. » ; Vous voyez la reine mettre du poison dans la coupe de l’un de ses fils. » ; « Vous êtes horrifié[e]. » ; « Vous êtes un pédant et vous voulez montrer toute votre science à votre auditoire. Vous êtes doctrinal. » ; Vous êtes un fanfaron (capitan/ Matamore) et vous voulez en mettre plein la vue à votre auditoire. Vous êtes plein d’orgueil et gesticulez avec emphase » ; « Vous vous êtes marié[e] pendant l’absence de votre père. Vous devez lui apprendre la nouvelle. Vous craignez sa réaction. » ; « Vous faites une déclaration à la personne que vous aimez mais il s’avère en fait que celle-ci est un homme/ une femme qui s’était travesti[e]. », etc. Chaque étudiant a improvisé à tour de rôle, sans avoir recours à la parole. L’auditoire devait comprendre la situation (tragique, comique, émotion majeure etc.) et donner une interprétation de ce qui était joué.
L’étape suivante consistait à jouer un monologue (choix entre un monologue d’Andromaque, de Phèdre, ou de L’Avare) à deux. Il s’agissait de dissocier gestes et voix (pratiques qui apparurent sous l’Antiquité comme le rapportent les théoriciens sur l’art théâtral du XVIIIe siècle). Un étudiant jouait la situation tandis que l’autre interprétait le texte. Le but était de faire en sorte que gestes et voix aillent de concert et expriment la même intention. Il fallait chorégraphier le monologue à partir de l’analyse de celui-ci. Cet exercice avait été aussi choisi pour favoriser le travail de groupe et pallier la difficulté que représentait la mémorisation du texte. Les étudiants n’avaient en effet pas le temps d’apprendre par cœur les monologues. Ce système a bien fonctionné et nous avons pu voir toute la créativité et l’originalité des étudiants, aucune scène ne se ressemblant mais étant pourtant basée sur le même code de jeu.
La maîtrise des gestes et de leur signification devait leur permettre de construire un personnage mais aussi d’improviser à partir de situations données, s’apparentant à celles qui transparaissent dans les pièces de l’époque : « Vous êtes roi/reine et vous apprenez que l’on complote contre vous. Vous êtes furieux/se » ; « Vous êtes prince/princesse et vous attendez avec anxiété le résultat de la bataille. Vous vous adressez aux dieux et les supplier de protéger votre frère. » ; Vous voyez la reine mettre du poison dans la coupe de l’un de ses fils. » ; « Vous êtes horrifié[e]. » ; « Vous êtes un pédant et vous voulez montrer toute votre science à votre auditoire. Vous êtes doctrinal. » ; Vous êtes un fanfaron (capitan/ Matamore) et vous voulez en mettre plein la vue à votre auditoire. Vous êtes plein d’orgueil et gesticulez avec emphase » ; « Vous vous êtes marié[e] pendant l’absence de votre père. Vous devez lui apprendre la nouvelle. Vous craignez sa réaction. » ; « Vous faites une déclaration à la personne que vous aimez mais il s’avère en fait que celle-ci est un homme/ une femme qui s’était travesti[e]. », etc. Chaque étudiant a improvisé à tour de rôle, sans avoir recours à la parole. L’auditoire devait comprendre la situation (tragique, comique, émotion majeure etc.) et donner une interprétation de ce qui était joué.
L’étape suivante consistait à jouer un monologue (choix entre un monologue d’Andromaque, de Phèdre, ou de L’Avare) à deux. Il s’agissait de dissocier gestes et voix (pratiques qui apparurent sous l’Antiquité comme le rapportent les théoriciens sur l’art théâtral du XVIIIe siècle). Un étudiant jouait la situation tandis que l’autre interprétait le texte. Le but était de faire en sorte que gestes et voix aillent de concert et expriment la même intention. Il fallait chorégraphier le monologue à partir de l’analyse de celui-ci. Cet exercice avait été aussi choisi pour favoriser le travail de groupe et pallier la difficulté que représentait la mémorisation du texte. Les étudiants n’avaient en effet pas le temps d’apprendre par cœur les monologues. Ce système a bien fonctionné et nous avons pu voir toute la créativité et l’originalité des étudiants, aucune scène ne se ressemblant mais étant pourtant basée sur le même code de jeu.
La fin du stage portait sur la mise en scène. Les étudiants ont formé des groupes pour représenter des scènes tirées du Distrait et du Joueur de Jean-François Regnard. Deux versions avaient été distribuées : la version originale et la version annotée et retouchée pour une reprise. Les étudiants devaient inventer une mise en scène à partir de l’édition originale, c’est-à-dire telle qu’ils se représentaient la scène. Puis, ils devaient restituer la mise en scène du XVIIIe siècle, à partir du relevé qu’il leur avait été donné. Ceux-ci comportaient le placement des acteurs, les changements de position au cours de la scène, des indications scéniques mais aussi des coupures. Cette expérience fut formidable. Les positions des acteurs ont permis de mieux appréhender la manière dont s’organisent, sur scène, les rangs sociaux (le maître au centre de la scène, entouré par son valet par exemple), les rapports entre personnages, les répliques provoquant un mouvement voire l’animation de la scène dont on a longtemps clamé, depuis les critiques de Diderot, qu’elle était figée et statique sous l’Ancien Régime. La comédie s’avère en réalité vive, les acteurs ne restent pas nécessairement en demi-cercle face au public. On joue, au contraire, avec l’espace (hors scène et scène), avec le texte en réinventant de nouveaux jeux de scène et en abrégeant les passages trop statiques ou ennuyeux. L’actualisation des indications scéniques présentes dans les relevés de mise en scène a levé le moindre doute à ce propos.
Didier Doumergue.
J’ai été impressionnée par l’attention des étudiants et par leur participation. Il me semble que l’on a pu réaliser que l’étude seule du texte est insuffisante pour comprendre le phénomène théâtral et la représentation en général, et que les pratiques scéniques du XVIIIe siècle n’étaient pas si éloignées de celles de la scène contemporaine. Je regrette que le stage se soit passé si vite mais aussi d’avoir manqué de temps pour aborder plus de choses.
Ce stage m’a été très utile personnellement pour évaluer mes propres recherches sur les déplacements sur scène et a été enrichissant sur le plan pédagogique. La bonne humeur des étudiants et leur bonne volonté, l’enthousiasme des comédiens professionnels ainsi que la générosité d’Anne Verdier m’ont donné envie de recommencer l’expérience et de mettre en scène cette fois-ci, non plus seulement une scène mais une pièce entière !
Sabine Chaouche
Ce stage m’a été très utile personnellement pour évaluer mes propres recherches sur les déplacements sur scène et a été enrichissant sur le plan pédagogique. La bonne humeur des étudiants et leur bonne volonté, l’enthousiasme des comédiens professionnels ainsi que la générosité d’Anne Verdier m’ont donné envie de recommencer l’expérience et de mettre en scène cette fois-ci, non plus seulement une scène mais une pièce entière !
Sabine Chaouche
Deux acteurs du Studiolo au premier plan et une étudiante à l'université de Nancy II à l'arrière-plan.
Les étudiants s'essayent aux gestes décrits par John Bulwer
Les étudiants se concertent avant leur mise en scène.
Mise en scène d'une situation