J’aurais dû me tirer. Mais quelle imbécile. Je vais me trouver bien bête quand il va se pointer vers moi. Les discours où il faut meubler ? Pas mon exercice de style favori. Alors qu’est-ce tu deviens ?, T’as pas changé… vraiment toujours aussi…, Quel temps hein ?... ouais c’est le climat. Complètement détraqué…, Et à part ça t’as eu des nouvelles de… ? T’habites toujours ? Non, ah bon… Naze. Au fond, rien à cirer du temps, de sa gueule ou de Jérémy le cyclone. Une seule question en tête.
Et fatalement, Alors, t’es toujours… ? t’as une… … ?/
Non merci je me connais. Aucune envie de sombrer dans le mélo pour m’avoir resservi une bonne dose d’hier.
Bon je crois qu’il est temps de se tirer une bonne fois pour toutes. Qu’il me voie ou non… après tout...
Prestement, traversant la rue à grandes enjambées, je pars. Presque en courant. Je m’engouffre dans le métro, le cœur prêt à imploser. Je m’assoupis à moitié au cours du trajet qui me ramène à Oberkampf. Je plonge dans mes pensées et j’oublie qu’il y a à côté de moi un mec qui prend toute la place et me serre de près. Mon iPod, je le pousse à fond. Mais j’écoute à peine la musique à force de me passer en boucle le navet de ma vie sentimentale. Immergée dans ma pesanteur, je perds pieds avec le rythme effréné des pas qui s’accélèrent toujours plus autour de moi. Je me traîne et j’ai tous envie de les buter, ceux qui me bousculent sans arrêt. Bandes de tarés. Tout speedés dans les couloirs. Je ne suis plus là ― déjà... /
Et fatalement, Alors, t’es toujours… ? t’as une… … ?/
Non merci je me connais. Aucune envie de sombrer dans le mélo pour m’avoir resservi une bonne dose d’hier.
Bon je crois qu’il est temps de se tirer une bonne fois pour toutes. Qu’il me voie ou non… après tout...
Prestement, traversant la rue à grandes enjambées, je pars. Presque en courant. Je m’engouffre dans le métro, le cœur prêt à imploser. Je m’assoupis à moitié au cours du trajet qui me ramène à Oberkampf. Je plonge dans mes pensées et j’oublie qu’il y a à côté de moi un mec qui prend toute la place et me serre de près. Mon iPod, je le pousse à fond. Mais j’écoute à peine la musique à force de me passer en boucle le navet de ma vie sentimentale. Immergée dans ma pesanteur, je perds pieds avec le rythme effréné des pas qui s’accélèrent toujours plus autour de moi. Je me traîne et j’ai tous envie de les buter, ceux qui me bousculent sans arrêt. Bandes de tarés. Tout speedés dans les couloirs. Je ne suis plus là ― déjà... /
Flash-back sur mes ratées du passé.
Arrivée en bas de chez moi je me suis dit : complètement usée avant même la vieillesse. Si je pouvais me faire lobotomiser la mémoire... L’ennui à perte de distance. ― Des gens au loin, passant le long de corridors un peu plus ensoleillés. Sans se poser de questions. Jamais. Ou si peu. ― Torture mentale. Il faudrait être en autarcie émotionnelle. L’existence, ça serait beaucoup plus vivable sans le réel. ―
Passée chez l’épicier avant de monter. J’ai traîné mes sacs. Je me suis traînée, boulet de moi-même. Impression d’une courbature de l’âme. Cette chienne glisse jusque dans mes muscles. Impression que l’on m’a frappée au dedans. ―
Panne d’ascenseur depuis plus d’une semaine. Je monte, petit automate docile, la tête me tourne légèrement. Le numéro 4 apparaît sur le mur. Enfin. J’ouvre la porte que je m’autorise à claquer, pour une fois je me défoule, tant pis pour les voisins s’ils ne sont pas contents. Je m’écroule sur le canapé et je me dis que je ne suis qu’une sale merdeuse. Mon stress, le jour où j’arriverai à le gérer… et même mon passé, j’aurai accompli un grand pas. Je voudrais être différente. Etre comme un radeau sur une mer d’huile. Space and cool.
Se rouler un joint. Vite. Mes doigts s’exécutent. Mon esprit ? ailleurs. De retour en mon obscurité… Je l’allume et même si je sens la douleur qui s’exorcise lentement à force d’avaler et de retenir la fumée au plus profond de mes poumons, pas du tout l’effet souhaité. J’ai envie de chialer. Mais je me force à ne pas le faire parce que je sais très bien que ça ne changera rien.
Sa vie, de toute façon… ―
Non il n’en a pas le droit. Il n’a surtout pas le droit d’être heureux. Je l’en empêcherai. Je crois que je serais prête à tout pour lui pourrir la vie… Je lui ferais du chantage… Harcèlement téléphonique, pourquoi pas… Ou je l’étranglerais avec sa cravate chicos… ― Parce que maintenant voilà que monsieur se sape ultra classe ! tandis moi je finis… juste ça. Un tout petit rien. Secrétaire de merde, à me taper un travail totalement crétin. Tant d’heures perdues pour avoir un diplôme qui ne sert strictement à rien. /
Ma vie me paraît soudain tellement absurde que je n’ai plus trop envie de rigoler, même de moi-même.
Il valait mieux le... Totalement raison de le zapper. Je n’ai pas à lui... Se faire cracher dessus une seconde fois ? non merci. Ce qui me ferait vraiment plaisir ce serait de voir sa jolie petite gueule démolie intégrale pour qu’il ne puisse plus jamais s’en servir. De m’en débarrasser. Je finirai en prison, je n’aurai plus de problème d’argent, de logement, de travail. Rien. Je vivrai enfermée ― mais à rien à foutre… sinon attendre que le temps ne repasse plus en boucle. ― Un jour, j’irai lui faire exploser sa petite cervelle avec le flingue que m’aura refilé un des potes de Steph. Crime passionnel. Je plaiderai l’obsession de la vengeance. Delirium mental... Syndrome post trauma. Analyses psy. : complètement folle… Unhappy Girl toute déconstruite. Je ferai la une des médias. Nuée de micros tendus... Pas d’autre choix que de tout balancer. Je le dirai aux juges, aux journalistes, à la face du monde à quel point tu n’étais qu’un pauvre type ! /
Coup de pied dans la table basse. Je me suis levée d’un bond, me passant la main sur le front, dans les cheveux prête à les arracher, allant et venant, soupirant comme un phoque, énervée, agitée, à côté de mes pompes, incapable de couper court à mes idées noires. Je suis allée à la cuisine avec mes sacs et j’ai refourgué le tout dans le frigo, rageuse, même les pâtes et le shampoing. Je me suis enfilé deux Myolastan histoire de me décontracter et je les ai assortis d’un bon verre de Martini. —
Retour sur le canapé. Affalée, la tête dans les coussins, position fœtale. Ma respiration, lente, saccadée par moments et quelques bulles d’eau percées qui roulent, silencieuses, sur ma peau brûlante. ―
Un jour je suis déjà restée comme ça dans le noir, allongée, écoutant le bruit des motos qui passaient dans la rue, ça m’étreignait, douleur lancinante dans la poitrine qui virait à la nausée. Dans la pénombre du soir, les yeux grands ouverts… Vue imprenable sur mes affres parées de leur laideur repoussante. Des heures, perplexe, ne sachant quoi décider, quoi faire, perdue dans une hébétude qui obscurcissait l’égrènement du temps. Ce qui m’entourait, mon propre corps s’effaçaient. Ce qui vivait autour s’éloignait, engourdie dans mes propres contradictions je repassais pour la énième fois mon thriller.
Trahie.
L’imbécile Virginie s’était retrouvée la dinde d’une bonne et grosse farce sans avoir rien vu venir.
J’en suis venue à me demander si cette Virginie c’était vraiment moi, puisque Virginie était détestable. En tout. Détestable affadie. Détestable manque de confiance en soi. Détestables tergiversations. Détestable imagination. Détestable naïveté. J’aurais voulu être en tous temps et en tous lieux l’autre Virginie, celle qui ne m’était pas si abjecte. Moins moche peut-être. Plus vivante sans cette pression du monde, des gens, trop pesante. Cette autre Virginie, celle qui m’était proche, mon moi lové en mon intimité, celle que j’étais vraiment quand je restais au tout dedans de moi-même... —
J’ai perdu peu à peu le fil de mes pensées. Tout s’accélérait dans mon cerveau. Tonnes d’images qui se mettaient à danser devant mes paupières puis à vriller et s’évaporer pour laisser place à de curieux dessins géométriques qui se reformaient aussitôt détruits. Je ne savais plus si je dormais complètement ou si mon corps se détendait tandis que je m’éveillais. —
Arrivée en bas de chez moi je me suis dit : complètement usée avant même la vieillesse. Si je pouvais me faire lobotomiser la mémoire... L’ennui à perte de distance. ― Des gens au loin, passant le long de corridors un peu plus ensoleillés. Sans se poser de questions. Jamais. Ou si peu. ― Torture mentale. Il faudrait être en autarcie émotionnelle. L’existence, ça serait beaucoup plus vivable sans le réel. ―
Passée chez l’épicier avant de monter. J’ai traîné mes sacs. Je me suis traînée, boulet de moi-même. Impression d’une courbature de l’âme. Cette chienne glisse jusque dans mes muscles. Impression que l’on m’a frappée au dedans. ―
Panne d’ascenseur depuis plus d’une semaine. Je monte, petit automate docile, la tête me tourne légèrement. Le numéro 4 apparaît sur le mur. Enfin. J’ouvre la porte que je m’autorise à claquer, pour une fois je me défoule, tant pis pour les voisins s’ils ne sont pas contents. Je m’écroule sur le canapé et je me dis que je ne suis qu’une sale merdeuse. Mon stress, le jour où j’arriverai à le gérer… et même mon passé, j’aurai accompli un grand pas. Je voudrais être différente. Etre comme un radeau sur une mer d’huile. Space and cool.
Se rouler un joint. Vite. Mes doigts s’exécutent. Mon esprit ? ailleurs. De retour en mon obscurité… Je l’allume et même si je sens la douleur qui s’exorcise lentement à force d’avaler et de retenir la fumée au plus profond de mes poumons, pas du tout l’effet souhaité. J’ai envie de chialer. Mais je me force à ne pas le faire parce que je sais très bien que ça ne changera rien.
Sa vie, de toute façon… ―
Non il n’en a pas le droit. Il n’a surtout pas le droit d’être heureux. Je l’en empêcherai. Je crois que je serais prête à tout pour lui pourrir la vie… Je lui ferais du chantage… Harcèlement téléphonique, pourquoi pas… Ou je l’étranglerais avec sa cravate chicos… ― Parce que maintenant voilà que monsieur se sape ultra classe ! tandis moi je finis… juste ça. Un tout petit rien. Secrétaire de merde, à me taper un travail totalement crétin. Tant d’heures perdues pour avoir un diplôme qui ne sert strictement à rien. /
Ma vie me paraît soudain tellement absurde que je n’ai plus trop envie de rigoler, même de moi-même.
Il valait mieux le... Totalement raison de le zapper. Je n’ai pas à lui... Se faire cracher dessus une seconde fois ? non merci. Ce qui me ferait vraiment plaisir ce serait de voir sa jolie petite gueule démolie intégrale pour qu’il ne puisse plus jamais s’en servir. De m’en débarrasser. Je finirai en prison, je n’aurai plus de problème d’argent, de logement, de travail. Rien. Je vivrai enfermée ― mais à rien à foutre… sinon attendre que le temps ne repasse plus en boucle. ― Un jour, j’irai lui faire exploser sa petite cervelle avec le flingue que m’aura refilé un des potes de Steph. Crime passionnel. Je plaiderai l’obsession de la vengeance. Delirium mental... Syndrome post trauma. Analyses psy. : complètement folle… Unhappy Girl toute déconstruite. Je ferai la une des médias. Nuée de micros tendus... Pas d’autre choix que de tout balancer. Je le dirai aux juges, aux journalistes, à la face du monde à quel point tu n’étais qu’un pauvre type ! /
Coup de pied dans la table basse. Je me suis levée d’un bond, me passant la main sur le front, dans les cheveux prête à les arracher, allant et venant, soupirant comme un phoque, énervée, agitée, à côté de mes pompes, incapable de couper court à mes idées noires. Je suis allée à la cuisine avec mes sacs et j’ai refourgué le tout dans le frigo, rageuse, même les pâtes et le shampoing. Je me suis enfilé deux Myolastan histoire de me décontracter et je les ai assortis d’un bon verre de Martini. —
Retour sur le canapé. Affalée, la tête dans les coussins, position fœtale. Ma respiration, lente, saccadée par moments et quelques bulles d’eau percées qui roulent, silencieuses, sur ma peau brûlante. ―
Un jour je suis déjà restée comme ça dans le noir, allongée, écoutant le bruit des motos qui passaient dans la rue, ça m’étreignait, douleur lancinante dans la poitrine qui virait à la nausée. Dans la pénombre du soir, les yeux grands ouverts… Vue imprenable sur mes affres parées de leur laideur repoussante. Des heures, perplexe, ne sachant quoi décider, quoi faire, perdue dans une hébétude qui obscurcissait l’égrènement du temps. Ce qui m’entourait, mon propre corps s’effaçaient. Ce qui vivait autour s’éloignait, engourdie dans mes propres contradictions je repassais pour la énième fois mon thriller.
Trahie.
L’imbécile Virginie s’était retrouvée la dinde d’une bonne et grosse farce sans avoir rien vu venir.
J’en suis venue à me demander si cette Virginie c’était vraiment moi, puisque Virginie était détestable. En tout. Détestable affadie. Détestable manque de confiance en soi. Détestables tergiversations. Détestable imagination. Détestable naïveté. J’aurais voulu être en tous temps et en tous lieux l’autre Virginie, celle qui ne m’était pas si abjecte. Moins moche peut-être. Plus vivante sans cette pression du monde, des gens, trop pesante. Cette autre Virginie, celle qui m’était proche, mon moi lové en mon intimité, celle que j’étais vraiment quand je restais au tout dedans de moi-même... —
J’ai perdu peu à peu le fil de mes pensées. Tout s’accélérait dans mon cerveau. Tonnes d’images qui se mettaient à danser devant mes paupières puis à vriller et s’évaporer pour laisser place à de curieux dessins géométriques qui se reformaient aussitôt détruits. Je ne savais plus si je dormais complètement ou si mon corps se détendait tandis que je m’éveillais. —
Mon portable a retenti.
Chute vertigineuse, un tambourinement à me fracasser la tête.
Sonnerie stridente, poussée à fond.
Je me suis jetée sur la lampe, puis maladroitement dans mes affaires. Je me suis débattue avec les effets de la beuh qui rendaient mes mouvements imprécis et tout ce qui traînait au fond de mon sac jusqu’à extirper ce téléphone qui persistait à... /
Allô…
…
Ah c’est toi... Qu’est-ce…ce… tu veux ?
(Fin de phrase rocailleuse, je me racle la gorge.)
T’as fumé ?
Suis un peu déprimée ce soir.
(Un sourire dans la voix). Pas qu’un peu on dirait. — Qu’est-ce t’as ?
Là tu vois, j’ai pas trop envie d’en parler. (soupir) — Sinon quoi de neuf ?
Tu vas voir, je vais te remonter le moral. J’ai un super plan pour une fiesta ce week-end. Il y aura pleins de mecs. Ça te dirait ?
Ouais… Enfin… je sais pas… je vais réfléchir.
C’est toujours bon pour demain ?
Yes. Of course.
(c) S. Chaouche/TFM 2017
Chute vertigineuse, un tambourinement à me fracasser la tête.
Sonnerie stridente, poussée à fond.
Je me suis jetée sur la lampe, puis maladroitement dans mes affaires. Je me suis débattue avec les effets de la beuh qui rendaient mes mouvements imprécis et tout ce qui traînait au fond de mon sac jusqu’à extirper ce téléphone qui persistait à... /
Allô…
…
Ah c’est toi... Qu’est-ce…ce… tu veux ?
(Fin de phrase rocailleuse, je me racle la gorge.)
T’as fumé ?
Suis un peu déprimée ce soir.
(Un sourire dans la voix). Pas qu’un peu on dirait. — Qu’est-ce t’as ?
Là tu vois, j’ai pas trop envie d’en parler. (soupir) — Sinon quoi de neuf ?
Tu vas voir, je vais te remonter le moral. J’ai un super plan pour une fiesta ce week-end. Il y aura pleins de mecs. Ça te dirait ?
Ouais… Enfin… je sais pas… je vais réfléchir.
C’est toujours bon pour demain ?
Yes. Of course.
(c) S. Chaouche/TFM 2017